sábado, 11 de febrero de 2012

Argentine à vendre

L’Argentine vient de porter plainte auprès des Nations Unies contre le Royaume-Uni en réponse aux mouvements militaristes constatés ces derniers temps dans la zone de l’archipel des Malouines. A l’approche des 30 ans du conflit anglo-argentin, le gouvernement péroniste de Cristina Kirchner revendique fermement la souveraineté sur ces îles, érigées en véritable symbole de l’identité nationale blessée.

Dans le même temps, ce même gouvernement réprime violemment le peuple des provinces du NOA (Nord-Ouest Argentin) qui se mobilise justement pour revendiquer la souveraineté nationale sur les ressources naturelles que renferme le sous-sol de leur région.

Retour en arrière. Au cours des années 90, le gouvernement néo-libéral de Menem ouvre le marché argentin aux capitaux étrangers. C’est l’époque de la grande illusion, 1 peso équivaut à 1 dollar ; aller en vacances en Europe devient plus économique qu’un trekking en Patagonie. La crise de 2001 sonne un brutal retour à la réalité.

A cette époque, les entreprises minières internationales s’installent en nombre sur le sol argentin, promettant emplois et développement aux populations autochtones. Vingt ans plus tard, la mine finance (et achète) largement le monde universitaire, la vie culturelle et bien sur la sphère politique nationale. L’argent de la mine est absolument partout sauf dans les zones écologiquement affectées. Le dramatique impact environnemental est d’autant plus mal vécu que les zones exploitées sont pour la plupart des sanctuaires de la culture andine indigène, culture qui voue un culte ancestral à la Terre Mère, la Pachamama.

La Présidente actuelle est élue en 2007 et réélue l’an passé sur un programme traditionnel péroniste de préservation des Droits de l’Homme et de défense des travailleurs et des populations les plus vulnérables. Néanmoins, durant son premier mandat, de nouveaux projets d’extraction d’or et de cuivre voient le jour.

Depuis fin 2011, la population de la province de La Rioja se mobilise en masse pour empêcher l’entreprise canadienne Osisko de débuter les travaux d’exploitation du Cerro Famatina. Dans la foulée, des blocages sélectifs spontanés s’organisent pour empêcher les camions des entreprises minières d’accéder aux différents sites de la région. Du Chili à l’Argentine, c’est une forte vague de mobilisation populaire pour la préservation de l’environnement, de l’eau en particulier, qui voit le jour. Il s’agit également de dénoncer le pillage de ces richesses par des multinationales étrangères dont les investissements dans le domaine social ne compensent en aucun cas ni les gains générés grâce aux ressources en or et en cuivre de cette région, ni la destruction de ressources naturelles non renouvelables. L’objectif clairement affiché est la suspension des projets miniers en cours et à venir.

Ces derniers jours, l’ensemble des blocages routiers ont été levés et réprimés dans la violence par les polices provinciales et fédérales. Il faut rappeler ici que le Parlement argentin a ratifié en décembre 2011 la « loi anti-terroriste » qui criminalise la protestation sociale et assimile notamment les barrages routiers à des actes de terrorisme susceptibles d’entrainer la détention. Pendant que les arrestations et les intimidations se multiplient, les autorités nationales marginalisent les revendications et ironisent sur la mobilisation en cataloguant les manifestants de « hippies pseudo-écologistes ». Il suffit de voir les images en provenance de Famatina pour se rendre compte que ce sont des communautés entières qui se soulèvent de manière apolitique et spontanée. Suite à la répression, il est à présent envisagé d’importer les manifestations vers les centres urbains afin de rendre la mobilisation plus visible à l’ensemble du pays.

Il est important de faire connaître cette lutte pour au moins deux raisons. Tout d’abord parce que cette mobilisation est emblématique à l’heure où le discours politique écologiste fait recette ici et ailleurs. Il s’agit par ailleurs de relativiser le discours souverainiste tenu par le gouvernement argentin et ses alliés socialistes latino qui se mobilisent contre une puissance européenne sur le cas des Malouines mais qui s’accordent à passer sous silence la protestation sociale pour la préservation des ressources naturelles. A croire que la souveraineté de l’Argentine demeure malgré tout à vendre, à condition d’y mettre le prix fort.